1943: Une enquête sur le caractère juif de l'entreprise

Le 2 décembre 42 apparaît un monsieur Maravelle de Caussade qui fait un rapport au Commissariat aux questions juives: "J'ai voulu faire une enquête, mais je n'ai pas de pouvoir pour la faire. J'en ai parlé au maire qui est aussi administrateur provisoire d'une affaire juive et il m'a dit qu'on ne pouvait rien faire si on n'avait pas le pouvoir pour faire une enquête. Mais si jamais vous vouliez en savoir plus, je pourrais vous en dire plus."

Le 4 janvier 43, un enquêteur, envoyé par le Commissariat aux affaires juives, qui n'a pas eu le courage de signer, arrive sur place.

Voici son rapport:

Objet : Gaston Michel et sa famille sont-ils juifs recensés ? Quel rôle jouent-ils dans l'entreprise qui porte le nom de Gaston Michel? Cette affaire est-elle sous influence juive ? Il y en a 7 pages:

Michel Gaston, juif recensé, né le 27/04/1872 à Troyes, nationalité française, profession : se disant employé de commerce. Carte d'identité n°….. délivrée par la Mairie de Caussade le 29/6/42. Marié sous la communauté réduite aux acquêts à Bloch Alice née le 16/2/81 à Dijon, juive française, sans profession. Ancienne adresse à Lille. Nouvelle adresse à Caussade. Fils de Juif décédé, etc.

La même chose pour mon oncle (il avait été officier), sa femme. Ils ont deux enfants.

Puis notre mère Denyse juive recensée avec trois enfants…. Son mari "actuellement décédé".

Ensuite Georges Vallaire Vanneste, "aryen", né à Courtrai, belge, catholique, se disant industriel. Sa carte d'identité…..

Ceci est probablement la lecture d'un document scanne -->

Depuis longtemps, déjà, certains Israélites de Caussade, frappés par les statuts (les frères Eskanazy par exemple) qui, malgré leurs états de guerre se sont vus affligés d'un administrateur provisoire s'imagine que la famille Michel des Etablissements Gaston Michel jouit auprès du CGQJ (Commissariat général aux questions juives) d'une faveur singulière. Juif patenté et avéré, les dits Michel ne continuaient pas moins, en effet, d'exercer leur industrie. Alors pourquoi eux et pas moi se disaient leurs coreligionnaires et ils n'ont point manqué d'en exprimer à Monsieur le Maire leur étonnement.

Ce que j'ai appris depuis, de source sûre, c'est que Monsieur le Maire était administrateur provisoire des Eskenazy (venant également de Lille, que nous connaissions). J'ai appris que M Eskenazy avait fait venir un wagon de textile, il a demandé aux parents de Pierrette Talbot qui avaient une mercerie qu'ils lui achètent cette marchandise pour pouvoir continuer à vivre. Monsieur Talbot n'a pas pu, n'avait pas l'argent pour payer cette marchandise. Ils ont répondu, ça ne fait rien, vous me paierez plus tard, quand vous aurez vendu- Non je ne veux pas avoir de dettes, c'est trop lourd pour moi, je veux bien vous rendre des services… et à ce moment là, le Maire M. Dambi a fauché la marchandise en tant qu'Administrateur provisoire.